Les allocations familiales en 1945

Eclairage historique(*)

« Les allocations familiales actuelles sont très insuffisantes. C’est ce que pensent, unanimes, les milliers de pères et de mères de familles qui signent la pétition lancée par le MPF Genève. C’est aussi l’opinion générale de tous ceux qui, ne s’arrêtant pas à quelques sentiments étroits et égoïstes, savent voir objectivement la situation réelle de ceux qui ont à porter les charges familiales.

Il faut donc à tout prix que les allocations familiales couvrent en grande partie les dépenses des personnes à charges.

Si l’on calcule le coût d’un enfant en Suisse, en se basant sur ces données très raisonnables, on trouve un total oscillant entre 70 et 80 francs par mois. A Genève  le plus grand nombre des familles salariées ne touchent que le minimum légal de 15 francs par mois.

Pourtant nous voulons que dans les familles on puisse se procurer la nourriture, les vêtements, le logement, le chauffage aussi décemment que dans des ménages sans enfants. Il faut de plus que les familles puissent subvenir normalement aux besoins d’éducation que réclame l’épanouissement normal des enfants.

Nous conclurons en précisant

(1)   L’allocation familiale doit être sérieusement augmentée pour mieux répondre à ce que coûte réellement un enfant.

(2)   le réajustement demandé doit porter le minimum légal de 15 à 25 francs

Alors seulement les allocations familiales commenceront à répondre au but pour lequel elles ont été instituées : « Assurer le pain de nos gosses. »

(*) Le Journal Le Monde du Travail janvier 1946

 

Préambule

Le constat fait en janvier 1946 par le MPF est malheureusement toujours d’actualité tant les allocations familiales sont restées désuètes en Suisse. Les montants actuels en vigueur au niveau Suisse sont proportionnellement inférieurs  à ce qu’ils étaient en 1945.

Le MPF présente son analyse et ses propositions en matière d’allocations familiales comme un élément de la politique familiale, aujourd’hui hélas quasi inexistante en Suisse, hormis dans les discours et les programmes électoraux.

 

Analyse et propositions du MPF

Allocations familiales

Le MPF propose un système d’allocation familiale simple qui repose sur une analyse sérieuse de ce que devraient être les allocations familiales, à savoir :

  • être un droit universel lié à l’enfant indépendamment du statut professionnel et salarial des parents.  Un enfant = une allocation ;
  • compenser en grande partie les charges financières que représentent pour une famille l’entretien et l’éducation du ou des enfants ; **
  • prendre en compte la valeur économique du travail domestique et familial réalisé par les familles avec enfants. **

Par conséquent nous proposons, des allocations familiales, pour les enfants de 1 à 15 ans et de 15 à 25 ans (pour les jeunes gens qui poursuivent une formation scolaire ou professionnelle) de 600 francs par mois, indexées chaque année à l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation.

Financement des allocations familiales

Le MPF souhaite que le financement des allocations familiales soit cohérent et déterminé en fonction des objectifs poursuivis ainsi que des buts fixés par cette contribution de la société aux coûts et charges des familles.

« Faut-il avoir recours au système des cotisations ou  faut-il au contraire employer la fiscalité ? Les cotisations doivent être privilégiées si l’assurance considérée a pour but essentiel de couvrir un risque. La voie de la fiscalité doit être en revanche choisie si l’objectif prioritaire de l’assurance est la redistribution de revenu. »(1)

Par conséquent le MPF propose un financement mixte pour les allocations familiales.

Une part,  pour les 0 à 15 ans et les allocations naissance, financée par la société par le biais de la fiscalité (contribution sociale généralisée*** ou centime(s) additionnel(s) à titre de redistribution aux familles pour leur contribution économique et sociale.

L’autre part, soit la partie des allocations pour les 15 à 25 ans, à la charge des employeurs par le biais d’un prélèvement d’une taxe sur la valeur ajoutée brute des entreprises*** qui bénéficient de la formation et de l’éducation effectuées par les familles et l’école.

(1) Tiré d’un texte d’Yves FLUCKIGER,  professeur à l’Université de Genève

**      Annexe 1

***    Annexe 2

 

Annexe (1)

Les coûts de l’enfant et le rôle économique des familles

Une contribution aux coûts du ou des enfants

Les allocations familiales sont une contribution aux frais occasionnés par la charge financière des coûts d’entretien et d’éducation du ou des enfants. Le tableau ci-dessous présente les coûts par enfant, calculés par  l’Office de la jeunesse du canton de Zurich.

Coûts d’un enfant selon l’Office zurichois de la jeunesse au 1er janvier 2009

En Francs

Age

Nourriture

Habillement

Logement

Divers

Soins Education

Coût total

Enfant unique

1-6 ans

315

85

370

545

725

2’040

7-12 ans

 330

115

370

660

460

1’935

13-18 ans

425

140

340

880

330

2’115

 

2 enfants:
Coût par enfant

1-6 ans

270

75

335

460

600

1’740

7-12 ans

290

 90

 335

590

395

1’700

13-18 ans

355

120

315

815

265

1’870

 

3 enfants:
Coût par enfant

1-6 ans

240

65

310

425

460

1’500

7-12 ans

255

85

310

535

330

1’515

13-18 ans

325

110

285

755

200

1’675

 

Le tableau ci-dessus prend en compte les frais directs  (nourriture, vêtements, assurances, loisirs, frais de garde, argent de poche etc.) et les frais indirects (logement, frais de déplacement, frais médicaux, éducation etc.).

Prise en compte de la valeur économique du travail domestique et familial des familles avec enfants. (estimations à partir de données de l’OFS)

Les familles consomment pour se nourrir, se loger, s’habiller, se former, se divertir, se soigner, se déplacer, etc., pour environ 150 milliards de francs par an.

Les tâches d’éducation des enfants, réalisées gratuitement par les familles avec enfants, sont un apport essentiel au développement et au bon fonctionnement de la société. La valeur économique annuelle du travail domestique et familial des familles avec enfants équivaut, pour la Suisse, à environ 162 milliards de francs.

La contribution globale des familles avec enfants équivaut à 312 milliards de francs pour une année soit 54% du PIB 2010.

Annexe (2)

Qu’est-ce que la taxe sur la valeur ajoutée brute de l’entreprise (a)

La taxe sur la valeur ajoutée brute de l’entreprise s’applique à tous les biens et les services produits dans le pays, que ces biens soient destinés à la consommation ou qu’ils soient destinés à des investissements ou encore exportés dans des pays étrangers. Concrètement, cela signifie que l’assiette fiscale de cette taxe porte sur l’ensemble du PIB réalisé par une économie durant une année particulière.

Du point de vue de l’entreprise, la valeur ajoutée brute sur laquelle elle sera imposée est calculée en prenant son chiffre d’affaires duquel on déduira l’ensemble des achats intermédiaires (tels que matières premières, biens et services nécessaires à la production, y compris les loyers et les frais financiers à l’exclusion des intérêts). En d’autres termes, cela signifie que l’assiette fiscale sur laquelle l’entreprise est taxée comprend tous les revenus que son activité a généré et qu’elle a pu distribuer sous forme de salaires, de revenu net d’exploitation (comprenant à la fois les bénéfices distribués ou non, les dividendes versés aux actionnaires et les intérêts), les amortissements ainsi que les impôts indirects nets des subventions. De ce point de vue, la taxe sur la valeur ajoutée brute est un prélèvement qui s’effectue sur tous les revenus des facteurs de production

La taxe sur la valeur ajoutée brute constitue un impôt direct comparable à celui prélevé sur le revenu des personnes physiques ou à celui imposé aux bénéfices des personnes morales.

La taxe sur la valeur ajoutée brute modifie la répartition de la charge entre les entreprises. Elle permet, en effet, un transfert de charge des entreprises à forte intensité de main-d’œuvre vers celles fortement mécanisées.

 

Qu’est-ce que la contribution sociale généralisée (CSG) (b)

La CSG est considérée comme un impôt même si elle s’apparente plutôt à des cotisations sociales puisqu’elle est affectée à une branche de la sécurité sociale – en l’occurrence les prestations familiales – et qu’elle est perçue par les organismes de recouvrement des cotisations sociales. Le fait que la CSG soit un impôt la rend non déductible du revenu imposable (contrairement aux cotisations salariales), ce qui accentue le caractère redistributif de cette réforme.

Toutes les personnes physiques fiscalement domiciliées en Suisse seraient assujetties à la CSG. Les résidents suisses qui exercent leur activité professionnelle à l’étranger (notamment les travailleurs frontaliers) seraient donc également soumis à cette contribution.

La CSG frappe trois types de revenus:

  1. Les revenus d’activité et de remplacement (allocations, rentes, pensions).
  2. Les revenus du patrimoine.
  3. Les revenus des placements.

Il faut souligner que les revenus sociaux (les pensions de retraite et les allocations de chômage entre autres) sont inclus dans l’assiette sauf si les bénéficiaires sont exemptés du versement de l’impôt sur le revenu.

Son assiette est donc très large, plus large en tout cas que celle des cotisations sociales et même plus étendue que celle de l’impôt sur le revenu. Dès lors, en France, malgré un taux de prélèvement faible, elle est caractérisée par un rendement satisfaisant.

 

 

(a et b)  Tiré d’un texte d’Yves FLUCKIGER,  professeur à l’Université de Genève


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